L'EGLISE DE HYENVILLE

     Edifiée sur un promontoire de grès qui domine la Sienne, notre église communale surveille depuis le XIII ème siècle le passage de la rivière. La construction initiale était d’une grande simplicité : une salle rectangulaire éclairée de hautes fenêtres étroites, sans sacristie, sans clocher, un simple campanile surmontant le mur du pignon Ouest permettait de battre le rappel. L’entrée s’effectuait par la petite porte située derrière le monument aux morts.

     L’église resta trois siècles en l’état avant qu’on entreprenne les travaux qui lui donnèrent son aspect actuel. La dénivellation du terrain côté Est nécessita l’édification d’une crypte comme fondation de la sacristie, l’autel dissimule désormais l’échelle et l’escalier de pierre qui descendent à cette crypte réservant ainsi l’accès aux seuls initiés.

     Cette entrée insolite digne de « la chambre des secrets » d’Harry Potter lui confère un caractère tout particulier. La pièce d’une surface de 12m² est vide hormis la présence de quelques ossements égarés, elle bénéficie néanmoins d’un modeste éclairage par un petit soupirail. Elle ne fut jamais destinée à abriter des reliques ou autres trésors du genre. L’élément le plus remarquable du monument reste le gisant redécouvert il n’y a pas si longtemps. En 1889, les lambris fixés sur le bas-côté nécessitaient d’être changés. A l’occasion de ces travaux, les ouvriers découvrirent derrière les vieux panneaux une niche où reposait une défunte inconnue sans doute d’origine noble pour bénéficier d’une telle sépulture. La sculpture en pierre de Caen fut appréciée avec suffisamment d’intérêt pour être consignée dans le cahier paroissial avant de se retrouver dissimulée par les nouveaux lambris. Ce n’est quand 1981 après lecture de ce cahier paroissial que le père Laurent, curé de la paroisse décida de remettre à jour et de restaurer cette sépulture cachée. Face à ce gisant une petite piscine et une crédence creusées dans le mur Sud furent redécouvertes dans les mêmes conditions. Ces deux niches accolées devaient autrefois servir d’armoire eucharistique.

     A l’entrée de la nef, deux pierres tombales remarquables ont été utilisées comme jambages au moment de l’édification de la tour, ces deux pierres décorées de croix cerclées sont les exemplaires les plus méridionaux du genre. D’influence Irlandaise ces croix sont assez répandues dans le Nord Cotentin, on en recense dans le canton des Pieux et celui de La Hague.   Le pignon Est était percé d’une fenêtre à lancettes ogivales totalement dissimulée à l’intérieur par le retable de l’autel et partiellement cachée à l’extérieur par la toiture de la sacristie. Un de mes prédécesseurs avait tenu, dans cette église, un discours engagé à ses administrés, à une époque où la discrétion politique était une nécessité vitale. Le conventionnel Jean-Baptiste Lecarpentier, chargé de purger le département des « ennemis des idées nouvelles » fit procéder au début de l’été 1794 à l’arrestation du comte et maire de Hyenville : Charles –Antoine Tanquerez. Le 6 juillet, il le fait transférer à la Conciergerie avec 23 autres prisonniers inculpés de conspiration. Le voyage dura 9 jours. Fouquier Tinville accusateur public du tribunal révolutionnaire est du genre expéditif : 19 des 24 inculpés sont condamnés à la décapitation. Le comte de Hyenville fut donc exécuté place du trône accompagné de Julien-François De Mons, ancien chanoine né à Carantilly, Marie-Louis de Cussy, ancien maire de Coutances et quelques autres personnalités du coutançais. On rapporte qu’un de ses fidèles serviteurs dénommé Edouard Couillard manifesta le souhait de partager le sort de son maître. L’époque révolutionnaire fut éprouvante, dure et cruelle mais on savait néanmoins faire preuve de complaisance et de générosité pour satisfaire des exigences de ce genre. Edouard Couillard finit donc guillotiné comme Charles-Antoine Tanquerey. La « cérémonie » se déroula six jours avant l’exécution de Robespierre qui mit un terme à l’usage trop intensif de la « machine ».

Christian Dolley